Qu'est ce que le vin de glace ?

Origine

Historiquement, le vin de glace trouve son origine en Europe au 18ème siècle, et plus précisément du côté de l’Allemagne et de l’Autriche. Contre toute attente, ce n’est pas un coup de génie qui a réveillé un matin les vignerons du siècle des lumières, mais plutôt un grand coup de froid ! Quelle ne fut pas la surprise de ces braves viticulteurs lorsqu’un bon matin ils ont constaté que leur récolte avait gelée sur pied ! Mais fort d’une ingéniosité et d’une détermination à toute épreuve, ils ont fait contre mauvaise fortune bon cœur et ont décidé d’exploiter la situation pour tenter quelque chose d’autre. Ils ont tout de même récolté leurs raisins (congelés) puisqu’ils étaient mûrs et non pas pourris et les ont pressés comme si de rien n’était. Résultat des courses : un vin sucré, doux et aromatique, qu’ils appelleront Eiswein. Avec quelques années de pratiques, de petites améliorations techniques et un œil un peu critique, le vin de glace trouve son QG dans la région germanique de Rheingau.

Pourquoi parle-t-on davantage du vin de glace canadien me demanderez-vous ! Et bien tout simplement parce qu’un vigneron allemand, Walter Heinle, a eu la bonne idée d’aller produire du vin de glace sur un territoire encore plus propice car davantage sujet au grand froid. C’est donc en 1973 que le premier Ice Wine (eh oui, il faut bien s’adapter à la langue locale) voit le jour en Colombie Britannique. La production du précieux breuvage s’étendra par la suite à la province de l’Ontario d’où sont désormais originaires la plupart des vins de glace canadiens.

Elaboration

Pour produire du vin de glace c’est très simple, enfin presque… Il suffit de disposer des éléments suivants :

• Un terroir riche
• Des vignes qui résistent au gel
• Des vendanges valeureux bien équipés
• Des lampes frontales
• Un niveau d’acidité proportionnel au niveau de sucres résiduels
• Une vague de froid qui arrive à point
• Du vin chaud (ça c’est pour être sûr d’avoir des vendangeurs valeureux)

Tout d’abord, vous devez préserver votre terroir et le laisser s’exprimer au mieux. Comprendre ses typicités et ses caractéristiques pour analyser le plus précisément possible là où il faudra consacrer votre parcelle pour la production de votre vin de glace. Gardez bien à l’esprit que le vin de glace n’est qu’une production annexe à votre production de base, si vous décidez de consacrer toutes vos vignes à la production de ce vin aussi sublime soit-il, vous risquez de perdre gros, surtout lors d’une année un peu plus chaude que la moyenne.

Pour le choix des cépages, tout dépend donc de votre terroir, mais les tendances générales peuvent vous orienter : originairement, le Eiswein était produit à partir de Riesling, du Gewurztraminer ou d’autres cépages locaux. Au Canada, le cépage le plus répandu est le Vidal, connu pour sa grande résistance au froid et sa haute teneur en sucres bien contrebalancée par son taux d’acidité élevé. On trouve également ce cépage en Chine, qui commence à produire du vin de glace. Mais le Vidal n’est pas encore assez résistant pour vaincre les gelées de la région de Jilin, alors les viticulteurs chinois ont eu l’idée de greffer du Vidal sur leurs ceps autochtones, plus à même de faire face à l’hiver local. Il est également intéressant de noter que le vin de glace n’est pas uniquement un vin blanc, il peut aussi être rouge ! Il est alors produit de la même manière mais à partir de Merlot, Cabernet Franc ou encore Cabernet Sauvignon.

La parcelle élue pour produire le vin de glace doit être surveillée de près, de même que la météo. elle sera généralement vendangée entre le mois de décembre et le mois de février. Il ne faut pas rater son coup pour récolter au meilleur moment. Selon l’OIV, pour qu’un vin soit appelé vin de glace, la vendange doit être récoltée par -7°C au minimum. Au Canada de manière générale les viticulteurs patientent jusqu'à -8°C, et en Ontario ils attendent même d’atteindre -10°C voire -12°C pour vendanger. Tout le challenge du viticulteur est de savoir s’il va récolter à la première vague de froid ou bien s’il ose faire durer le suspens jusqu’à la prochaine gelée qui ne viendra peut être pas tout de suite… Au risque de voir sa récolte s’appauvrir en qualité et en quantité. Il faut donc avoir ses valeureux vendangeurs sur le qui-vive, prêts à intervenir. Sachant que pour garantir ces températures aussi fraîches tout au long de la récolte, il est préférable d’opérer de nuit ! C’est là qu’interviennent les lampes frontales ! Les vendangeurs sont généralement habitués à ces récoltes nocturnes et savent comment s’y prendre pour ne pas perdre une partie du précieux butin. En effet, il faut bien imaginer la complexité de la tâche : des raisins congelés déjà bien mûrs qui ne demandent qu’à se détacher de leur rafle.

Une fois ramassés, les grains de raisins sont délicatement pressés pour en extraire le précieux jus couleur or. Lors de la pressée, la partie congelée (principalement il s’agit de l’eau) est laissée de côté avec toutes les parties solides, et on ne conserve que le jus qui est alors un pur concentré de sucres et d’alcool en puissance. Il est aisé de concevoir que le rendement est donc très faible… (en moyenne, le rendement représente 15% du rendement d’un vin de table ordinaire).

Certains vignerons plus téméraires qui bénéficient d’un micro-climat très spécifique osent élaborer du vin de glace à partir de raisins touchés par le botrytis cinerea (la méthode d’élaboration de vin liquoreux, utilisée à Sauternes par exemple). Le risque de perdre une partie de la récolte est alors bien plus grand puisque le raisin est très fragilisé. Le vin obtenu est particulièrement aromatique et complexe.

Dégustation

En parlant de dégustation, quels sont les arômes typiques du vin de glace ?

Les arômes du vin de glace sont naturellement intensifiés et décuplés. C’est une explosion de fruits frais et exotiques que l’on trouve dans le verre avec des notes d’agrumes et une texture mielleuse. La palette aromatique est très large et évolue bien sûr en fonction des terroirs et des années de vieillissement. Servi bien frais, on apprécie la minéralité et la fraîcheur en attaque, rehaussées par un bel équilibre entre l'acidité et les sucres résiduels. On parvient parfois déceler de la rose, des épices et des notes grillées ce qui apporte une grande élégance et une jolie persistance à ce vin si particulier.

Pour ce qui est des accords mets et vins, on peut tout à fait se baser sur les accords classiques des vins liquoreux : foie gras, fromages à pâte dure ou persillées, viandes blanches et autres plats épicés. Pour des alliances un peu plus originales, optez pour des fruits frais, une tarte à la rhubarbe, du porc au caramel, un dessert au chocolat noir… Les possibilités sont multiples, mais pour les puristes il est aussi possible de déguster le vin de glace tout seul : avec sa richesse et sa douceur, c’est presque un plat à lui tout seul !

Quelles sont vos expériences personnelles de dégustation de vin de glace ?