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L’appellation Sauternes est au cœur de l’actualité viticole. En effet, le projet concernant la LGV (Ligne à Grande Vitesse) entre Bordeaux et Toulouse d’une part et Bordeaux et Dax d’autre part qui prévoit de découper la vallée du Ciron, pourrait être à l’origine d’une « catastrophe écologique majeure » selon les mots de Xavier Planty, président de l’ODG (organisme de défense et de gestion de Sauternes et Barsac).
Depuis quelques décennies tout le monde est de plus en plus sensibilisé aux impacts des actions de l’homme sur l’environnement et son écosystème. Entre le réchauffement climatique et la pollution, l'opinion publique exprime les signes d'une prise de conscience de plus en plus généralisée. Mais aujourd’hui c’est un véritable raz-de-marée chez les vignerons qui nous interpelle, à l'heure où le gouvernement a approuvé ce projet allant à l'encontre de l'enquête réalisée auprès des citoyens et de la Cour des Comptes. Face à eux, les partisans de la LGV sont satisfaits de voir leur projet de développement régional approuvé. En effet, cette amélioration des transports entre dans le GPSO (Grand Projet Ferroviaire du Sud-Ouest) qui cherche à revivifer l'aménagement du territoire local. En plus du gain de temps indiscutable qui sera observé pour se déplacer, ce projet permettra de stimuler la diversification des emplois et de conserver la dynamique de progrès déjà en place en Aquitaine.
Ce n’est pas la première fois qu'il est décidé d’améliorer les réseaux de transport en commun en ciselant nos beaux paysages français. Qu'est-ce qui fait la différence aujourd'hui ? Quelle est la réaction de la filière viticole directement affectée par cette décision ?
L’appellation Sauternes est située au sud de Bordeaux (à une cinquantaine de kilomètres) et bénéficie d’un sol composé principalement de graves (un peu comme des graviers) et de sous-sols argilo-calcaires. En termes de superficie, ce n’est pas une très grande appellation (2200 hectares) et le rendement est parmi les plus faibles. On comprend d’ores et déjà une problématique de raréfaction du produit. Le climat est de type océanique : humide en hiver et au printemps, pas trop froid en hiver, ni trop chaud en été, la vigne n’est généralement pas brusquée par des aléas météorologiques exagérés.
Ce qui fait des vins de Sauternes des crus si prestigieux et recherchés à travers le monde c’est qu’on ne peut les reproduire nulle part ailleurs ! On aura beau adopter les mêmes méthodes, importer les mêmes cépages, vinifier de la même manière et suivre les conseils des mêmes vignerons : il est strictement impossible de reproduire le même vin ! Tout simplement à cause du terroir très spécifique du lieu. On a évoqué la terre, parlons à présent d’un petit ruisseau qui ne paye pas de mine et qui pourtant est un facteur essentiel dans l’élaboration du Sauternes.
Le Ciron est un affluent de la Garonne qui vient des Landes de Gascogne, traverse une partie des Graves d’Aquitaine et se jette dans la Garonne à Barsac, un peu au-dessus de Langon. Cette rivière, associée au microclimat de la région, provoque des brumes matinales qui permettent le développement du célèbre champignon Botrytis Cinerea.
Chassé et honni de la plupart des agriculteurs, il est attendu, désiré et choyé par les viticulteurs du sauternais. Cette « pourriture grise » devient une « pourriture noble » qui se dépose sur les raisins. Les baies vont subir l’assaut du Botrytis : celui-ci attaque directement la peau du raisin, créant des petits trous qui laissent s’échapper l’eau présente naturellement dans les fruits. Ce qu’il reste : la chair, le sucre. L’apparence des raisins n’est plus du tout attrayante et pourtant, même à croquer, ces raisins sont délicieux.
Selon la qualité du millésime différents arômes se développent dans les vignes, le fait est de constater la richesse et la complexité que l’on peut trouver dans les grands vins de Sauternes. Le Ciron, ce petit ruisseau paisible est à l’origine de ce processus prodigieux qu’est l’élaboration des vins liquoreux de Sauternes et Barsac. En plus de la poésie d’un paysage vallonné et délicat, en abimant le Ciron, c’est le vin couleur or qui en paye le prix. Plus que tout autre agriculteur, les vignerons de la vallée du Ciron sont dépendants des aléas climatiques. La moindre altération à cet équilibre par trop précaire que les vignerons ont réussi à apprivoiser au fil du temps chamboulerait l’écosystème de manière irréversible.
Le terroir ce n’est pas juste un sol et un climat, c’est aussi l’action de tout un écosystème. Un environnement saint favorise une biodiversité équilibrée où chaque maillon de la chaîne a son importance. Par exemple, le travail de la foultitude de petits insectes qui gravitent autour des vignes parait si infime et pourtant… s’il n’y avait pas ces interactions naturelles du cycle de la vigne et de la vie, le vin s’en ressentirait. Qu’ils soient butineurs ou prédateurs, ils interviennent dans le développement de la vigne, soit en fécondant les plantes soit en les protégeant des protagonistes dévastateurs. Bien plus efficaces que n’importe quel insecticide, la nature, si elle est respectée, s’harmonise.
Une fois soigneusement récolté (grain par grain), les raisins sont vinifiés avec la plus grande délicatesse afin de préserver leurs caractéristiques aromatiques. Une fois aux chais, chaque producteur fait ses choix de vinification. Avec ou sans barrique, avec ou sans sulfite, avec ou sans amour… à chacun sa méthode. En bouteille, la déclinaison des millésimes se voit en couleur : d’or clair et limpide, le vin s’obscurcit jusqu’à devenir brun et opaque pour certaine cuvée. La palette aromatique que l’on trouve dans les vins de Sauternes est inimitable, véritable patrimoine culturel, c’est également un facteur de croissance incontestable pour la filière vitivinicole.
Le projet de la LGV Bordeaux-Toulouse-Dax semble ne pas proposer de compromis à une situation délicate pour les viticulteurs du sauternais. Beaucoup d'acteurs concernés par cette décision souhaitent trouver une autre alternative afin de ne pas mettre en péril l'environnement naturel unique de la région tout en favorisant la croissance et le progrès aussi bien à l'échelle locale que nationale.
Affaire à suivre...
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